Interview de Perrine Boiteux, ostéopathe
1. En quoi consiste le travail d’un ostéopathe ? Sur quels leviers agit-il ?
Le but de l’ostéopathie est de trouver la cause du symptôme (douleur ou autre dysfonctionnement corporel) en utilisant uniquement comme outil la main du thérapeute.
A la fois préventive et curative, elle se base sur l’idée selon laquelle toute perte de mobilité d’une zone du corps apparaît au niveau des muscles, des tendons, des viscères, du crâne ou des enveloppes et induira des dysfonctionnements à plus ou moins long terme.
L’ostéopathe n’utilise donc que des techniques manuelles visant à la conservation ou la restauration de la mobilité des différentes structures de l’organisme. Il peut donc agir sur les articulations, des muscles, des viscères, des fascias…
2. Quelles douleurs / pathologies de l’enfant ou du bébé l’ostéopathie peut-elle soulager ? Dans quels cas conseillez-vous aux parents de venir consulter et que doit-on attendre d’une séance d’ostéopathie ?
Un bébé peut être pris en charge par un ostéopathe compétent pour corriger différents troubles qui peuvent le perturber: une naissance compliquée, des troubles de la succion, des régurgitations, des reflux, les coliques du nourrissons, un torticolis congénital, une plagiocéphalie.
Parfois, les parents peuvent se sentir perdus et fatigués face aux pleurs incessants de l’enfant sans raison particulière à priori. Et bien il peut s’agir de certaines zones du corps qui manquent de mobilité, entraînant un inconfort au bébé. L’ostéopathe cherchera ces zones avec ses mains et, grâce à des techniques très douces, les rééquilibrera.
Si la cause du problème était bien le manque de mobilité de cette zone, l’enfant se sentira mieux quelques jours après la séance (le temps que le corps intègre les informations données par l’ostéopathe et se rééquilibre), il pleurera moins (s’il pleurait) et le symptôme pourra disparaître.
Pour les plus grands, il est intéressant de suivre les enfants en pleine croissance dans un but préventif (éviter certaines douleurs de croissance ou certaines pathologies en stimulant le système immunitaire par exemple), dans un but postural (difficulté à l’apprentissage de la marche, nombreuses chutes, suivi de scoliose, douleurs dorsales ou cervicales) ou parfois dans un but psycho-émotionnel (phobies, difficultés d’endormissement, insomnies, terreurs nocturnes, etc.).
L’ostéopathe peut intervenir sur les symptômes fonctionnels (cités plus haut), à la différence de ce qui est organique. Ainsi, un ostéopathe ne peut pas soigner une angine, une fracture, une luxation, une bronchiolite, une méningite, un cancer, une malformation cardiaque, rénale … etc. L’ostéopathe doit intervenir en complémentarité de diagnostics médicaux (par le pédiatre ou le médecin traitant).
3. A partir de quel âge peut-on emmener un enfant chez l’ostéopathe ?
Dès la naissance ! Mais respectons l’enfant et laissons-lui un peu le temps de récupérer de ce parcours fatiguant qu’est la naissance !A partir du 2ème ou 3ème jour de vie d’un bébé, l’ostéopathe peut intervenir. [1] L’avantage de le soigner tôt est que ses structures (crâniennes notamment) sont malléables, ainsi les corrections seront plus rapides et efficaces. En France, environ 60 maternités sur 500 bénéficient de l’aide d’un ostéopathe dans les équipes médicales.
4. Lorsqu’il s’agit d’un bébé qui ne peut pas exprimer son ressenti par des mots, comment adaptez-vous votre pratique ?
En début de consultation, dès la salle d’attente je me présente à l’enfant, puis aux parents. L’œil de l’ostéopathe peut repérer des symptômes avant même de toucher l’enfant, puis les parents vont m’expliquer en quelques phrases pourquoi ils viennent me confier leur bébé.
Quand l’enfant est installé sur la table, je vais d’abord capter son regard pour le mettre en confiance, lui qui ne peut pas parler et lui demander son accord pour la séance d’ostéopathie. J’ai toujours une réponse, qu’elle soit négative ou positive, et de quelque manière que ce soit (un regard profond, un sourire, une agitation, un cri de joie, ou un pleur).Ensuite je lui explique tout ce que je vais faire, et cela à chaque fois que je change mes mains de place sur son corps. Lorsque je pose mes mains, l’enfant donne parfois des indices que je peux décrire et ses tissus vont emmener mes mains vers les zones de tensions à corriger.
La consultation avec un bébé ou un enfant est un moment doux, de confiance réciproque, entre lui, moi le thérapeute, et ses parents.
5. Existe-t-il des risques à la pratique de l’ostéopathie chez les enfants ? Par exemple, on parle souvent de « craquages » ou de douleurs fréquentes dans les heures suivant une manipulation d’ostéopathie, peut-on les éviter avec un tout petit ?
Il est indispensable de confier son enfant à un ostéopathe diplômé d’une école agréée par l’Etat français et qui maîtrise les soins ostéopathiques des nourrissons.
Bien sûr l’ostéopathe choisira les techniques qu’il va utiliser en fonction du patient qu’il reçoit. Il est évident que l’on ne va pas « faire craquer » un nourrisson ou un enfant. Nous avons d’autres techniques qui ont la même efficacité (voire supérieure !) et qui sont extrêmement douces. Les parents sont souvent surpris de voir que les mains de l’ostéopathe bougent à peine sur le corps de leur enfant !Les enfants sont souvent fatigués après une séance d’ostéopathie (ils dorment donc plus !) mais rapidement ils reprennent leur rythme. Ils ne se plaignent pas de douleur après les séances, les bébés ne pleurent pas plus.
Il est intéressant de les faire boire plus d’eau que d’habitude pendant les 48H suivant la séance d’ostéopathie afin que le corps ne soit pas déshydraté, qu’il puisse drainer ce qui doit l’être et que les cellules puissent se rééquilibrer en fonction des informations que l’ostéopathe leur aura donné.
Il est aussi important que l’enfant ne pratique pas de sport pendant ces 48h suivant la séance, pour que le corps se rééquilibre tranquillement sans risquer de perturber le travail accompli pendant la séance d’ostéopathie.
6. Y-a-t-il des âges « critiques », au cours de la croissance de l’enfant, auxquels une consultation est recommandée ?
Il y a différentes périodes du développement psychomoteur de l’enfant intéressantes pour faire un bilan ostéopathique : lors de l’apprentissage de la position assise (vers 7/8mois) et lors de l’acquisition de la marche (autour d’1 ans environ selon les enfants).Ces 2 dernières étapes étant liées au fait que l’enfant est soumis à l’apesanteur et pour la première fois de sa vie il devra y faire face, seul. Certaines chaines musculaires et articulations sont alors à contrôler en rapport avec la position verticale qu’il ne tenait pas avant. A cette période, il multiplie et accumule les chutes. Ces évènements d’apparence anodine sont de microtraumatismes, qui répétés, provoquent des déséquilibres à corriger.
Lors des poussées dentaires une séance peut être bénéfique, ceci en rapport avec la croissance des os de la face, la position de la langue, des dents et la respiration.
À la puberté des changements hormonaux et physiques s’opèrent, entraînant parfois des dysfonctions (blocages) importants à corriger pour un mieux-être de l’adolescent. De plus, à cet âge, l’ado est en recherche de sa place dans la société ou à la maison et quelques troubles sociaux ou scolaires peuvent apparaître (difficulté de concentration, anorexie, boulimie, agressivité, angoisses, dyslexie…). L’ostéopathe peut accompagner l’adolescent pendant cette période en apportant une écoute neutre et en travaillant spécifiquement sur des zones clés en lien avec ces différents troubles, en fonction de l’histoire de chaque patient.
Un bilan ostéopathique annuel est recommandé pour chaque enfant.[1] Si l’ostéopathe doit faire des « manipulations du crâne, de la face et du rachis chez le nourrisson de moins de 6 mois » il faut « un diagnostic établi par un médecin attestant l’absence de contre-indication médicale à l’ostéopathie » – article 3 du décret du 27 Mars 2007-).
Perrine Boiteux
Diplômée de l’Ecole Supérieure d’Ostéopathie de Marne la Vallée, Perrine Boiteux exerce en cabinet libéral à Bar le Duc (Meuse). Parmi ses champs d’actions, elle a tout particulièrement développé ses compétences en « ostéopathie tissulaire appliquée aux bébés » et en ostéopathie gynécologique, ainsi que dans les domaines des pathologies ORL, du système nerveux végétatif, des nerfs crâniens, et du K-Taping.Perrine Boiteux est aussi co-fondatrice de Medcito.fr le 1er moteur de recherche intelligent du remplacement médical libéral. Le but : trouver facilement un remplaçant ou un remplacement pour tous les professionnels médicaux libéraux (toutes professions confondues).